mardi 14 septembre 2010

Le balancement de la mémoire orale

" Arrête de te balancer d’un pied sur l’autre en récitant ta leçon » exige l’adulte, et l’enfant de regretter : « Alors, je ne la sais plus ».

L’anthropologue Marcel Jousse a démontré qu’on ne peut s’approprier la connaissance sans l’intériorisation du mouvement qu’il soit, au début, dansé ou mimé Cet enracinement dans le corps rend la mémoire orale aussi ineffaçable que celle de l’ordinateur ! Sans cette participation du corps à l’acte de l’intelligence, l’esprit ne peut se l’approprier définitivement.
Les peuples anciens ont maîtrisé des formes différentes d’apprentissage des connaissances qui se transmettent depuis le berceau et qui éduquent non seulement une civilité très codifiée mais un rapport très fin au temps et à l’espace. On se balance d’avant en arrière ou de droite à gauche. Et c’est toujours à cette référence essentielle de l’emplacement de l’auditeur que les guides modernes situent les lieux : « A votre gauche, à votre droite… »

Ce lien entre le corps et l’esprit est incontournable : Le théâtre a commencé bien avant l’école : qu’ils soient Grecs ou Japonais ou Bantous, tous les hommes lui ont confié l’éducation des peuples parce que ce procédé universel délègue à l’acteur le mouvement intérieur de chaque spectateur. La mémoire des scènes est souvent qualifiée d’émouvante, au sens précis du terme car elle met en mouvement celui qui les revoit plus tard, mise indéfiniment à sa disposition. C’est parce qu’il s’est intériorisé que le mouvement a gardé sa puissance.

CIFRI

CF. Marcel Jousse « L’anthropologie du Geste », Gallimard, 2008