mercredi 27 octobre 2010

Le temps ou les temps

« Il perd son temps ! » s’irrite l’Européen qui scrute l’horizon sans y discerner la silhouette basanée qu’il attend. Mais le même homme écoute « les nouvelles du temps » à la radio, lui aussi explique «n’avoir pas le temps» de faire ceci ou cela, et tout le monde comprend ces énoncés qui ne dépendent pourtant pas du cadran qui orne son poignet. Les conventions de la langue couvrent les diverses significations du même mot.

Comment s’étonner que celui-ci recouvre des situations liées au climat, « Il fait mauvais ou beau temps » au genre du travail requis, Quel paysan ne « prendrait pas le temps » de saluer le passant ? Alors qu’on informe la famille de la gravité d’une opération en lui indiquant le temps qu’elle a duré. Il arrive aussi que le temps de la prière s’accomplisse dans une durée qui frôle l’éternité de Celui qui est invoqué.

Selon l’importance que prend le sacré dans la conception de l’existence, le « temps » change de sens, il est mesure des rencontres extérieures au cadran de la montre, ou de l’efficacité matérielle mesurée par l’horloge, ou bien transcendé par l’éternité. Quoi d’étonnant que sa perception soit liée à la civilisation de chacun ?
 
CIFRI

samedi 16 octobre 2010

Jeux de stratégie

La tradition millénaire des a longtemps privilégié les jeux à damier avec autant de pions clairs que de noirs, en particulier les Echecs La maîtrise de ces jeux faisait partie de la formation au pouvoir des jeunes Babyloniens comme des seigneurs du Moyen Age…( car ils aiguisaient la rigueur du raisonnement logique, tout en signifiant les limites de celui-ci.)

Faisant appel à l’intelligence rationnelle, cette pédagogie met en œuvre un exercice de déduction logique: « que va choisir l’adversaire entre les possibles qui s’offrent à lui ? » En même temps, ce jeu dépasse la formation à la déduction car il place les joueurs dans le cadre des alternatives de la vie : L’espace du jeu est délimité et ainsi les deux adversaires sont contraints de reconnaître qu’ils ne peuvent échapper aux données de base des problèmes que la vie les obligera à régler sans pouvoir en changer les termes. Par là, les Echecs sont une école de vie car ils confrontent l’évidence factice des victoires aux aléas de la réalité. Le dessin du damier qui entremêle le noir et le blanc rappelle que l’ombre et la lumière éclairent simultanément l’ambiguïté des situations.

CIFRI

Cf. Œuvres de Marie Denise Pierrelée

vendredi 1 octobre 2010

Un lieu pour discuter

Les proverbes populaires qui tiennent lieu de longues digressions pour ceux qui maîtrisent mal le langage figurent parfois dans les guides touristiques comme une plaisanterie, et pourtant quelle efficacité sociale possèdent ces raccourcis! Ils renvoient les interlocuteurs au partage d’une sagesse commune, vestige de la maison des palabres africaine ou de la zaouïa musulmane si cet espace a disparu de nos quartiers surpeuplés. Il était pourtant précieux ce lieu de confrontation qui changeait le rapport de force en dialogue nécessaire pour que deux êtres libres s’aident à grandir plutôt que de s’abaisser à une diatribe qui humilie souvent le soi-disant vainqueur plus que celui qui est faussement soumis.

Au local, on a évité de justesse une bataille au couteau et les objets susceptibles de servir à des agressions ont été immédiatement évacués « Si tu nous a punis, comme cela, sans qu’on parle, c’est que tu as eu peur...protestait vivement un gamin Malien, c’est idiot de croire que cela suffit, on peut toujours faire pire, tandis que si tu avais parlé, on aurait renoncé à ces bêtises. »

Où est donc la case à palabre qui manque dans nos Cités ? Il en reste heureusement des témoins, venus des pays du soleil, qui obligent les Français à se rappeler les salles monastiques réservées à « se parler » entre hommes libres.

CIFRI

Cf. Louis Gardet La Cité musulmane , Vrin 2003