mercredi 26 janvier 2011

L’importance du regard

Dans nos campagnes, des saisonniers rompent la connivence des traditions provinciales par un langage et des usages différents ; que dire alors de nos Cités qui rassemblent le monde entier dans les murs des H.L.M. ? Souvent, chacun des résidents, et pas seulement les Français, déplore l’éclatement du confort de « l’entre soi ». Cette situation, irréversible maintenant, n’est-elle que négative ? N’y a-t-il que des dissemblances entre nous ? Comment discerner les hances qu’elles portent ?
Une anecdote tirera d’un jeune Français,  Sénégalais d’origine, un conseil avisé :Une conteuse développa le conte de Riquet à la Houppe rapporté par  Perrault en 1644 et, dès la fin de la descriptions des noces entre la princesse et l’homme qui avait traversé la terre pour la voir, un adolescent noir remarqua : « Chez nous, le marié ne sort pas de la terre, il traverse la mer en bateau, mais c’est le même problème, il vient de loin et ensuite elle quitte son pays à elle pour l’épouser. » Il continua : «  Est-ce qu’elle le trouve beau parce qu’elle est devenue assez intelligente pour se rendre compte qu’il est beau même si il n’est pas comme elle, ou bien est-il vraiment devenu beau à force d’aimer la princesse ? » et le garçon immigré de conclure « Cette histoire c’est la nôtre, maintenant. »

CIFRI
Cf.   Vasconcelos  « Mon bel oranger »  s’achète seulement  sur Internet

jeudi 20 janvier 2011

Sanction ou restauration

La législation médiévale dispensait de leur peine civile certains coupables pourvu qu’ils effectuent la pénitence d’un pèlerinage. Une tradition analogue vaut encore pour le pèlerinage à la Mecque qui obtient le pardon du fautif, et on trouve le même usage du pèlerinage dans la plupart des civilisations.

Il ne s’agit pas d’une sanction forcément pénible - comme le châtiment corporel qui vise seulement à imprimer un souvenir suffisamment cuisant pour décourager de recommencer -  puisque la législation du pèlerinage prévoit que le délinquant délègue à un autre le soin de le représenter en payant son voyage. En effet le condamné était pris complètement en charge par la communauté des croyants pendant la durée de son voyage et mêlé anonymement aux puissants ou les dévôts qui effectuaient la même démarche sous un semblable costume. On pouvait donc être tenté de transformer la pénitence en agréables vacances.
Le vieux conte du « Chevalier au barillet » rapporté par Jérôme et Jean Taraud dans les « Contes de la Vierge » montre qu’il s’agissait de préparer un vrai retournement pour donner au vaurien l’occasion d’une métamorphose  intérieure. La restauration de la dignité du transgresseur était passagère pendant qu’il partageait la condition des autres pénitents mais au terme du déplacement de son milieu habituel et de la découverte des modèles humains qui l’ont précédé sur les mêmes chemins c’est une véritable réhabilitation qui était attendue.

CIFRI

vendredi 14 janvier 2011

une leçon d’allemand

Le père d’Armand tenait le carnet scolaire de son fils, mal noté dans toutes les matières mais particulièrement en devoirs d’allemand. « pas de sport, pas de copain dimanche, tu passeras l’après-midi chez ta répétitrice, et je lui téléphonerai le soir pour avoir tes notes : » cette fois, l’adolescent ne pouvait esquiver la sanction, et il fut encore plus inquiet lorsque le professeur décida : « tu as de trop mauvais résultats, nous allons chez un autre maître que moi. » arrivés devant la salle pleyel, elle expliqua : « nous venons écouter le requiem de brahms » elle pressentait la sensibilité artistique de gamin et en même temps son manque de culture, et voilà qu’il se détendait, fasciné, qu’il laissait courir sur ses lèvres les mots allemands qu’il comprenait. en sortant, il demandait à étudier la grammaire et le vocabulaire du texte dans une langue qu’il commençait à apprécier. le disque accompagnerait la leçon ! le chenapan apprit à associer ses leçons à des souvenirs plus intimes et il finit bien ses études.
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vendredi 7 janvier 2011

Se souvenir ?

Les acteurs, les conteurs, les « anciens », marins ou paysans, surprennent les habitués des livres et des ordinateurs par les tirades qu’ils insèrent dans leur discours…et ils justifient souvent cette mémoire « orale » en évoquant des détails visuels attachés à leur apprentissage : Line Renaud précise, « je portais une robe de telle couleur », Olivier de Kersauzon décrit l’odeur de la mer dont il affrontait la tempête en reprenant la chanson : « il était un petit navire… » et la mélodie ressuscite sur ses lèvres, on dirait qu’associée aux embruns elle y reposait pour toujours.

Peut-on « apprendre » sans le concours des yeux, des oreilles, du nez qui rappelait à Camus l’odeur de ses livres de classe ? Mais, alors, quelle importance a la stabilité du cadre de la tradition des connaissances ! À défaut de rester dans la même salle de classe, la présentation des mêmes objets, témoins des matières enseignées, ne pourraient-elle pas faire partie de l’enseignement ?
 
CIFRI