lundi 29 mars 2010

L’image du miroir

Quand je me regarde dans la glace
Je feuillette un album de photos,
Le temps a copié-collé sur mon visage
Toutes les figures du passé,

Je feuillette un album de souvenirs,
De qui est-ce que je tiens les cheveux,
La forme du nez et des sourcils,
La couleur des yeux et de la peau ?

Mais comment les reconnaître,
Pour découvrir qui je suis.
Il faudrait se rappeler l’histoire
Et les histoires d’amour et de guerre

Qui se ressemblent dans tant de pays
Chaque trait de mon visage
Vient de parents qui se sont aimés
L’amour a partout la même couleur

Me voilà dépositaire d’un immense héritage
Maillon incontournable de la chaîne humaine
Qui confie à chacun le dessin de la Vie
Qui l’embellit de la grâce de son hérédité.

CIFRI

Cf. M. J. Coloni De leurs terres au béton Ed Georg, Genève.

vendredi 12 mars 2010

Mémoire orale, patrimoine de toutes les civilisations

Il est arrivé en larmes pourtant il était habituellement enjoué et satisfait des compliments de sa maîtresse de CP, c’est que le secret de ses succès tenait à l’orthographe de son nom africain. Le Z qui en était l’initiale lui valait d’être au dernier rang de la classe, donc le dernier à être interrogé. Alors, de sa jolie petite voix, il lisait la poésie sans la moindre hésitation. Aussi, quand survint l’inspecteur chargé de contrôler l’enseignante, il fut le premier à être sollicité par l’institutrice. Catastrophe ! Personne, avant lui, n’avait lu la page, il n’avait pu écouter aucun camarade… d’où un silence lourd d’indifférence aux lettres qui s’effaçaient devant sa mémoire. Sa chère maîtresse était fâchée après lui, elle le soupçonnait de tricherie pour cacher sa paresse, et le petit bonhomme ne comprenait pas pourquoi on le grondait d’avoir appris comme sa maman le lui enseignait. « A quoi servent les livres puisqu’il écoute les leçons en classe ? » s’étonnait la mère convoquée à l’école pour entendre que son garnement était en retard d’apprentissage de la lecture.

Le risque le plus sévère de cet incident serait que mère et enfant se sentent définitivement étrangers au monde scolaire dans lequel ils avaient cru s’intégrer parce qu’ils en viendraient à « décrocher » quelques années plus tard. « Pourquoi tu pleures ? Ce n’est qu’un professeur, donc tu t’en moques. »

La mémoire orale a porté la culture occidentale pendant des siècles, c’est grâce à elle que nous connaissons les poèmes d’Homère. Elle fait donc partie intégrante de notre patrimoine, comment faire comprendre que l’écriture n’est qu’une extension de son message ?

CIFRI

Pour poursuivre la réflexion:
Daniel Pennac « Chagrin d’école », Gallimard, 2007.

jeudi 11 mars 2010

Le pays de maman

C’était une petite fille insupportable, elle avait usé la patience de tous les adultes et même celle de ses camarades, échec scolaire, rébellion permanente, brutalité, rien ne manquait pour que le petit visage tourmenté perde toute grâce. On savait bien dans le quartier que les parents faisaient jaser, on entendait parfois « Que veux-tu ? Ce sont des Noirs. » Et c’est à cause de cette humiliation que les éducateurs décidèrent une sortie des enfants au Musée Dapper pour y découvrir une exposition de parures africaines, masques et bijoux de fête.

La gamine fut sage comme une image, c’était peut-être la première fois de sa vie ! Et elle était devenue jolie quand elle confiait : « Ma maman, elle vient d’un grand pays. » Reproduisant avec talent les décors qui l’avaient éblouie, elle en conclut qu’elle pouvait travailler en classe et être aimable avec les autres.

CIFRI
Cf. la collection des volumes publiés au musée Dapper, à Paris