vendredi 12 mars 2010

Mémoire orale, patrimoine de toutes les civilisations

Il est arrivé en larmes pourtant il était habituellement enjoué et satisfait des compliments de sa maîtresse de CP, c’est que le secret de ses succès tenait à l’orthographe de son nom africain. Le Z qui en était l’initiale lui valait d’être au dernier rang de la classe, donc le dernier à être interrogé. Alors, de sa jolie petite voix, il lisait la poésie sans la moindre hésitation. Aussi, quand survint l’inspecteur chargé de contrôler l’enseignante, il fut le premier à être sollicité par l’institutrice. Catastrophe ! Personne, avant lui, n’avait lu la page, il n’avait pu écouter aucun camarade… d’où un silence lourd d’indifférence aux lettres qui s’effaçaient devant sa mémoire. Sa chère maîtresse était fâchée après lui, elle le soupçonnait de tricherie pour cacher sa paresse, et le petit bonhomme ne comprenait pas pourquoi on le grondait d’avoir appris comme sa maman le lui enseignait. « A quoi servent les livres puisqu’il écoute les leçons en classe ? » s’étonnait la mère convoquée à l’école pour entendre que son garnement était en retard d’apprentissage de la lecture.

Le risque le plus sévère de cet incident serait que mère et enfant se sentent définitivement étrangers au monde scolaire dans lequel ils avaient cru s’intégrer parce qu’ils en viendraient à « décrocher » quelques années plus tard. « Pourquoi tu pleures ? Ce n’est qu’un professeur, donc tu t’en moques. »

La mémoire orale a porté la culture occidentale pendant des siècles, c’est grâce à elle que nous connaissons les poèmes d’Homère. Elle fait donc partie intégrante de notre patrimoine, comment faire comprendre que l’écriture n’est qu’une extension de son message ?

CIFRI

Pour poursuivre la réflexion:
Daniel Pennac « Chagrin d’école », Gallimard, 2007.