vendredi 16 juillet 2010

Le pays de tous

C’est l’histoire d’un pays sans toit ni voix, Un drôle de pays avec des§maisons empilées
Des maisons décapitées de leurs faîtages
Des maisons qui ont perdu leur terre,
Des tours qui n’ont plus de tête,
Plus de demeures, rien que des logements !

C’est le pays du silence
Que traversent seulement des cris,
car sans « toi » il n’y a plus de voix,
Autant dire qu’il n’y a plus de loi,
Sans toit, sans voix, sans « toi » ni loi,
Il n’y a plus que « les autres »
Et ils font peur.

Pourtant les tours sont des sémaphores.
Si hautes qu’on les voit de très loin,
Elles apportent les odeurs de tous les pays,
Des mangues, des merguez, des kiwis.
Ces tours sont comme des grands arbres
Chargés d’enfants en guise d’oiseaux.

N’ayant encore rien à défendre,
Les jeunes sont libres d’observer.
Pourvu qu’ils trouvent une sécurité,
Ils voient dans « les autres » « quelqu’un ».
Car le quartier est le pays de tous
A condition d’en être responsables.

Alors, les tours vont devenir des mâts,
En se gonflant, leurs voiles éclaireront
Les murs ternes de toutes les couleurs,
On entendra le vent chanter :
« Celui qui pointe n’est pas un étranger,
C’est ton frère qui vient parler de toi. »

CIFRI

Pour aller plus loin: Amin Maalouf Les échelles du Levant Grasset 1996