vendredi 30 avril 2010

Composantes de la Mémoire orale

La mémoire enfermée dans un graphisme convenu ne survit pas seulement en s’agrippant au papier, car toute mémoire est globale. Elle restitue un cadre visuel ou auditif et nous remarquons encore aujourd’hui : « Je me revois à cet instant… », « Je l’entends encore me dire… » Au fur et à mesure que ses éléments se multiplient, un tri se fait entre ce qui s’efface et ce qui ne peut disparaître. Même insignifiant pour quelqu’un qui n’en connaît pas le contexte, telle saveur, telle mélodie demeurent intactes et d’autant plus prégnantes qu’elles associent des épisodes successifs.

Le linguiste Alain Rey remarque la survivance de certains mots antiques dans l’argot des banlieues alors même qu’ils ont disparus de la langue écrite. Retenus oralement, ces expressions ont traversé des siècles…à l’insu des érudits comme des analphabètes. Comment est-ce possible puisque le cadre visuel et peut-être l’accent qui pouvaient soutenir la mémoire de ces locutions a disparu ? L’auteur explique qu’entre la villa romaine du « Dominus », le château médiéval du « Dom » ou celui du « Baron » et l’appartement du HLM où le « Daron et la Daronne » tentent d’éduquer leurs rejetons, il reste une situation semblable : c’est à eux que revient l’autorité. A travers toutes les évolutions historiques, la relation a gardé ses fortes composantes d’affection et de crainte qui assure la continuité des mots. Le gamin s’excuse encore : «Je ne peux pas rester, ma daronne m’attend».

CIFRI

Cf. « Lexik des cités », Fleuve Noir, 2007, p.8 / 9 et 135