vendredi 2 avril 2010

Des coups ou des mots

 Au maladroit qui s’excuse d’avoir bousculé un passager dans l’autobus, le Provençal dont les œufs sont tombés répond « Arrête de parler, tu m’ôtes, en plus, le plaisir de t’engueuler…» Les mots retiennent donc la gifle que sa main serait prête à lancer. On croirait lire un dialogue de l’Iliade. Merveilleux Homère qui apprenait à ses concitoyens à dominer leur brusquerie par la  virtuosité de la parole.
Les journaux sont remplis de récits de violence enfantine, mais les reportages montrent que les fautifs sont habituellement démunis d’expression française. Les coups ont remplacé des mots qui leur demeuraient étrangers. Il aurait peut-être suffi qu’ils déchargent leur colère dans leur langue maternelle pour que celle-ci s’apaise. « Comme il ne le comprend pas,  j’injurie mon professeur en arabe, il se fâche mais je ne vais pas en conseil de discipline. » expliquait un adolescent aussi sage que l’adulte qui feignait de ne pas « entendre » la violence insuffisamment dominée.

CIFRI

Cf. Jacqueline de Romilly « Dans le jardin des mots » Fallois 2007